L'histoire de la philosophie nous montre de multiples antagonismes résultant
du fait banal que les philosophes sont des individus dans une société. Cette
dernière a des idiosyncrasies, des éthiques les plus diversifiées, des religions,
des économies et politiques, souvent en lutte entre elles mêmes et contre les
doctrines «étrangères». En laissant de côtè les batailles entre Cyniques,
Stoïciens et Épicuriens, qui ont eu des répercussions dans les millénaires et
jusqu’aujourd’hui, indiquons les différentes façons de penser d'Augustin et
Thomas d'Aquin. Leur base spéculative (Platon contre Aristote) et aussi éthique
et politique (songeons à la guerre entre jésuites et jansénistes au XVIIe
siècle), a produit des allégations contraires très graves, soulevées par des
disciples ou des adeptes d’une secte contre l’autre. Même au XVIIe siècle, il y a eu plusieurs
luttes entre les partisans de Newton et de Leibniz. Dans les dix-huitième, les
escarmouches entre kantiens et rationalistes, entre les disciples de Rousseau
et Diderot, etc. Au XIXe siècle, les thèses sur Hegel et l'Etat prussien, les
deux écoles sorties du hégélianisme, la gauche contraire à la religion, la
droite et son appui à la religion dans l’État. Même la Guerre Froide, ont
dit certains analystes pas très
rigoureux, serait originaire de la scission entre la gauche et la droite
hegéliennes. Nous pourrions énumérer de nombreux cas d'objections aux
philosophes. Et elles ne passent pas toujours par la lecture des textes originaux.
Chaque fois qu'il ya une attaque plus dure contre le Maître, les disciples
jettent des excuses et avancent des arguments sévères à l ‘encontre du
malveillant critique.
L’affaire Heidegger fait partie de la longue liste donnée ci-dessus.
Depuis l'empire nazi, les universités du monde entier ont conscience du lien entre
Martin Heidegger et le IIIe Reich. Dans un moment où les enseignants (en
presque tous les domaines de la connaissance) ont été privés de leurs droits,
persécutés, expulsés de la patrie, en particulier ceux d'origine juive,
Heidegger prononce des discours favorables à l’ordre hégémonique dans son pays.
Il assume comme doyen d'une université jugulée par des policiers truculents au
service des ennemis de la libre pensée. Contrairement aux intellectuels comme
D. Bonhoeffer et Karl Barth, il ne résiste pas contre misólogie tyrannique, la puissance
de la propagande et la violence physique, le viol de l essence universitaire.
Jusqu'aux années 1960, les actes et paroles de Heidegger ont été
considérées comme sans conséquences majeures. Opportunisme, naïveté, auto-tromperie
et d'autres « explications » de charité ou intéressés ont été
proposées pour le sauvetage du philosophe. Utilisé par Sartre dans l'Être et le Néant, présent dans la
branche française de la phénoménologie, et dans la critique de la technique,
Heidegger était vu comme grand penseur du vingtième siècle. En plus, il faut
compter les citation de son travail, d’une forme claire ou voilée, dans les
textes des philosophes d’origine juive : Hanna Arendt, Hans Jonas et Karl
Löwith. À chaque critique de son antissemitisme les épigones juifs ont été
mentionnés pour absoudre le penseur. Même des critiques féroces comme G. Lukács
ont reconnu certains aspects de sa pensée qui pourraient éclaicir le monde
contemporain. Ce paysage d’un Heidegger à l'ombre des nazis était agréable pour
ceux qui ont défendu certains philosophèmes sur la différence entre l'être et
l’étant, la situation du Dasein et la qualification de la philosophie comme
chose essentiellement grecque ou allemande. Ses
oracles et étymologies, critiquée par des philologues, étaint considérées
comme parfaites par ses disciples.
En 1987 un livre explosif est venu à la lumière, publié par Victor
Farias. Il disait que le lien entre Heidegger et le nazisme était plus grave
qu'une peccadille opportuniste ou simple illusion, ou négligence théorique devant les affaires du
monde. Le volume a conduit à une avalanche de critiques et d’apologies, souvent
écrites au vitriol. Était donc instituée la Vexata
questio : "Heidegger et le nazisme".
Peu à peu, même le "et" a disparu. L’identité absolue entre les deux
membres de la phrase a été proclamée. Avec le travail d'Emmanuel Faye, vient
l'idée que Heidegger a introduit le nazisme dans la philosophie. Les défenseurs
inconditionnels, à la droite, ont criée contre les critiques au penseur. Et
encore aujourd’hui sont renouvelés des arguments sur l’ attitude opportuniste
de Heidegger, la « distraction »
du philosophe devant les atrocités nazies.
Récemment Peter Trawney reprend des liens entre Heidegger et le nazisme
dans le chemin de l'antisémitisme latent dans sa pensée et, surtout, dans les Carnets noirs. Dans ces manuscrits
Heidegger a déposé l'étude du monde philosophique, du nazisme, du judaïsme.
Trawney a été chargé par l'adjoint de Heidegger, F.-W. von Herrman, de
l'édition des Carnets. L'ordre était explicite, parce qu’elle venait de
Heidegger lui-même: l'éditeur ne doit pas interpréter l’écrit, juste les
publier. Désobéissant partiellement l’impératif, Trawney, qui a également
publié d'autres textes de Heidegger (sur
l'Histoire de l'Etre, A propos d'Ernst Jünger, Les séminaires sur Hegel et
Schelling, Les débuts de la philosophie occidentale) a écrit, après avoir
terminé son travail sur les Carnets noirs, le livre Heidegger et le mythe de la conspiration
universelle des juifs. Dans le même contexte a été publié le livre de
F-W.von Herrmann et F. Alfieri: Martin
Heidegger, la verità sui Quaderni neri.
Dans un livre où le problème éthique et politique est nucléaire, nous
devons –cela va de soi– prendre en ligne
de compte les questions éthiques qu’il
soulève. Il est étonnant que pour défendre un penseur accusé des attitudes et
pensées contraires à l'éthique, soit utilisé dans le volume un "argument"
tout à fait obscène. Je cite la lettre du fils de Heidegger (pp. 393 ff).
Heidegger ne serait pas antisémite parce qu'il avait des liens avec certains
Juifs. Au Brésil, disent les racistes pour s’excuser qu’ils n’ont pas des
préjugés contre les Noirs, les Juifs, les homosexuels: «Je ne suis pas raciste.
J'ai même des amis noirs, les juifs, des homosexuels. " Cette procédure,
je la considère obscène. M. Hermann Heidegger aggrave la chose. Son père ne serait pas seulement ami
des Juifs, il avance, mais plusieurs juives auraient été ses maîtresses (y
compris, Arendt et Elisabeth Blochmann), et "n’étaient pas seulement elles"
(sic, p. 393). Oui, dit l'enfant qui ne couvre pas son visage devant les linges
de son père, aussi Lily Szilasi qui, avec la permission de son mari a couché avec
le philosophe. Voilà, en langue gauloise savoureuse, «une affaire de fesses".
A la recherche d’exonérer son père de la tache d’antisémitisme, le bon garçon
montre les exploits virils du philosophe
illustre, peu importe la dignité de la proie. Cette attitude est cohérente avec
«humanisme» pratiqué en Allemagne à l'époque nazie.
À la fin de sa lettre, dit le
fils de Heidegger: «Les Carnets noirs contienent des
critiques acerbes contre l'américanisme et le bolchevisme (RR: slogans communs
dans la propagande nazie) contre le christianisme (RR, quelque chose de très commun,
puisque Hitler a reçu quelque résistance religieuse à sa tyrannie), et à
l'Eglise catholique, contre les Anglais, la technique, la science, à l
‘université et, après une approbation initiale, même contre le national
socialisme. Les brèves remarques sur le judaïsme ont un rôle secondaire auquel Martin
Heidegger n'a pas donné d'importance ". (P. 394). Si Heidegger n'a pas
attaché d'importance à son propre discours fasciste sur les Juifs, ces
derniers, eux, attachent beaucoup d'importance aux mêmes slogans, surtout avec l'assassinat
froid de millions dans l'Holocauste.
Après vient quelque chose de moins faible, mais encore difficile d'être accepté dans une l'éthique rigoureuse. F.-W. von Herrmann a le droit de refuser les positions de Trawney, parce qu'il avait désobéi à l'ordre de Heidegger de ne pas interpréter les Carnets Noirs. Sa tactique, cependant, de disqualifier Trawney est le propre des couloirs universitaires où se rencontrent ceux qui distribuent les faveurs et les bénéficiaires. Bienfaisant, Herrmann dit qu'il se sentait désolé parce que Trawne, "à l ‘âge de 51 ans, n’ avait pas encore gagné une chaire d'enseignant payé et qu’il était necessiteux d’argent pour nourrir sa femme et sa fille, il n’était pas en condition d’atténuer ses difficultés financières: pour cette raison je l'ai indiqué en tant que conservateur du volume 9, uni par le couverture de la cire noire". L'ingrat favorisé écrit après tuteller l ‘edition des Carnets noirs, son livre Heidegger und der Mythos der jüdischen Weltverschwörung. Ce fut la façon, dit Hermann, de la maison editrice Klosterman prendre ses distances publiquement en face des déclarations de Martin Heidegger sur les Juifs et le judaïsme mondial. "Je prends aussi la decision de m’en éloigner, mais pas au détriment de nier l'important travail d'un grand penseur " (Pp. 27-28).
Une plus grande obscénité de la part de M. le professeur Herrmann:
l'antisémitisme suposé dans les Carnets noirs, insinué par Trawney,
ferait de la douleur des Juifs un moyen pour diffamer la propre communauté juive. «Il est
inacceptable que quiconque, quelle que soit sa confession religieuse, cherche
instrumentaliser théâtralement –par des interprétations peu véridiques et
invérifiables des textes heideggeriens- la douleur imposée au peuple juif» (p.
28).
Et de nouveau nous avons l'annonce de l ‘argument ad hominem: «Il est tout à fait clair que Trawny instrumentalise la
question des Carnets noirs. Car, dans son chemin philosophique il n’pas bien
reussi avec ses propres publications academiques et n'a pas encore aujourd'hui
une chaire définitive. De cette façon, il a choisi de prendre le sentier
inverse, condamnant publiquement Heidegger internationalement en tant qu’
antisémite".
Le monde intellectuel, selon Hegel, est le «règne animal de
l'Esprit." Son commentateur, A. Kojève ajoute: «le royaume des voleurs volés."
L’interprétation des Carnets noirs est interdite aux
lecteurs, parce que l'interprétation «authentique» vient de Heidegger lui-même
ou de ses héritiers académiques. Voici comment se prononce Herrmann sur
l'antisémitisme heideggerien. "Il est vrai que dans les Carnets noirs, il y a 14 passages
sur les Juifs, devant elles moi même prends des distances. Néanmoins il doit prévaloir
dans la conscience que tous (sic) enoncés de Martin Heidegger sur les Juifs (et
uniquement dans les Carnets noirs), même s’ils sont exprimés dans la langue de la
pensée historique et ontologique, n’ont pas d’arrière-plan spirituel des
déterminations fondamentales de cette pensée. L'erreur la plus grave est
d'assumer le caractère politique des phrases, qui sont dans les Carnets,
comme une base pour l'interprétation de tout travail historique et ontologique
de Martin Heidegger, parce que dans ce travail il n'y a pas de déclarations
politiques de ce genre. Ceci est maintenant appuyée par des preuves textuelles
à partir des questions de politique nationale-socialiste, comme le démontre
l'incroyable (sic) critique que
Heidegger adresse à Hitler dans le volume 97 de la Gesamtausgabe". (P.
30) En choisissant la méthode herméneutique authentique pour lire tout texte
Heidegger "sera donc Heidegger lui-même -en ses écrits- a guider les
lecteurs, comme il nous a guidé."
(P. 30).
Enfin: «L'antisémitisme est totalement sans rapport avec la pensée qui
se déplace dans la réflexion historique et ontologique» (p 40).. Et voici
l'explication de l'anti-sémitisme chez Heidegger : "Il faut distinguer précisément le type
racial de l'antisémitisme racialiste et de l'antijudaïsme fondée sur des motifs
religieux, les passages problématiques des livres ou appartiennent à l'un et
pas l'autre. Quelle est la chose dont ils font partie, alors? Il entre dans la
vision politique privée de Heidegger. Heidegger remplace le concept
historico-ontologique de la juive «pensée
calculatoire». Mais avec un tel chevauchement et remaniement conceptuel
l'origine ontologique fondamentale post-historique ne devienne pas, pour leur
part, «anti-sémite». Lorsque Heidegger parle de la pensée calculatoire du
judaïsme finance et l'économie (RR: slogan nazi ordinaire, abusé par la
propagande sur les banquiers juifs qui, d'ailleurs, seraient unis aux
bolcheviks a fin de détruire le peuple allemand), ces phrases ne constituent
pas un élément constitutif de la pensé de l'événement, elles se sont réunies et
systématiquement structurées: penser à
une telle chose est l'erreur gigantesque Trawny et tous ceux qui le suivent »(p
40)..
Il existe donc un antisémitisme raciste, un anti-judaïsme
religieux, Et il y a l'anti-sémitisme de
Heidegger qui n’est pas un antisémitisme,
mais "seulement" la répétition de slogans sur les juifs qui
complotent avec la banque internationale ... Herrmann n'a pas lu, peut-être la
lettre du fils de Heidegger, excusant le parent et appelant à l’aide les
aventures amoureuses avec des femmes juives. Je dis une telle chose parce que
Herrmann dit que « la Martin Heidegger-Gesellschaft n'a rien à voir avec la
personne privée, mais seulement avec la pensée de ce penseur." (P. 41). Un
philosophe bien connu, doyen de l'Université suivant le principe de la
direction nazie est seulement une personne privée? Certains philosophes de
Socrate à nos jours, sont’ils limités à
l'ordre public? Il est pour cette raison que dans le début de mes remarques,
j’ai rapporté les batailles autour des philosophes. Heidegger est personne
aussi privée que Hegel, Schelling, et tous ceux qui ont fait de la philosophie
dans l‘université. Son antisémitisme est une source perpétuelle d'attaques
contre la vie juive.
Quelle logique aurait besoin de utiliser le nom «Juif» pour une activité estimé par lui-même, Hedegger, dans son travail, comme un changement fondamental de la culture, de la connaissance calculatrice ? Si les Juifs conduisent l'oubli de l'être, et jouent dans la manipulation des entités, Heidegger ne montre autre remède que les mesures prévues par la Gestapo pour arrêter un tel manque de mémoire.
Quelle logique aurait besoin de utiliser le nom «Juif» pour une activité estimé par lui-même, Hedegger, dans son travail, comme un changement fondamental de la culture, de la connaissance calculatrice ? Si les Juifs conduisent l'oubli de l'être, et jouent dans la manipulation des entités, Heidegger ne montre autre remède que les mesures prévues par la Gestapo pour arrêter un tel manque de mémoire.
Le travail «scientifique» et philologique F. Alfieri ne va pas au-delà
des excuses présentées par les héritiers de Heidegger ou par ses héritiers
spirituels. Dans les cadres bilingues de son travail pathétique il fait
question d’isoler des phrases antisémites pour leur fournir le «vrai sens». Le
travail ne dépasse pas dans une ligne ce qui est dit par Herrmann dans ses
excuses.
Il est possible de trouver des formulations brillantes dans les œuvres
de Heidegger. Il y a une grande quantité
de déclarations partiales et faisant autorité dans les œuvres de
Heidegger. Il faut connaître la différence entre elles. Mais essayer une masquage du antisémitisme
avoué, sous le couvert d'intuitions profondes sur le monde de l'art, la science
et les arts, signifie mépriser l'intelligence des lecteurs. Ces derniers,
sans le souci de loyauté au maître, peuvent parfaitement lire ses écrits
rejetant sa dictature herméneutique. Tous les anti-sémitismes, privés ou publics,
sont responsables de ce qui est arrivé en Europe. Trawny peut avoir fait, d’une
manière non correcte, certaines déclarations aux médias. Mais l'interprétation
des passages des Carnets Noirs, chez Alfieri et ses collègues, signifie
littéralement cacher le soleil avec un tamis. Même si les procédures de Trawny
avec les Cahiers noirs sont défectueuses, il est faux que les textes de
Heidegger, tous, n'ont rien à voir avec l'antisémitisme. Au XXe siècle, comme
je l'ai rappelé, Sartre et d'autres (même Lukács) se son servis de certains
aspects de l'œuvre de Heidegger. Aujourd'hui, avec un puissant lobby mondial, y
compris dans le Brésil, la dissimulation des thèses gênants du penseur non est
une labeur éthique de respect.
Roberto Romano
Roberto Romano
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