essai| Nouvelle parution
M. Theweleit, Fantasmâlgories
Information publiée le 9 octobre 2016 par Marc Escola
Fantasmâlgories
Klaus Theweleit
Christophe Lucchese (Traducteur)
Date de parution : 03/02/2016 Editeur : Arche éditeur (L') ISBN : 978-2-85181-841-6 EAN : 9782851818416 Présentation : Broché Nb. de pages : 576 p.
Quel lien existe-t-il entre le fascisme et le genre ? C'est à partir de cette question que Klaus Theweleit explore la fascination masculine pour la violence et le pouvoir dans son œuvre colossale Männerphantasien (1977, Verlag Roter Stern).
À l'aide de la psychanalyse et partant d'un large corpus littéraire issu des rangs des corps francs allemands de l'entre-deux-guerres, l'auteur a tenté d'analyser la structure mentale de la personnalité fasciste.
Son ouvrage, qui reste encore à découvrir en France, consacré à la question du rapport entre pouvoir et genre, transgresse allègrement les limites des champs disciplinaires. En résulte un ouvrage hybride, mêlant histoire, psychanalyse et gender studies, qui nous plonge au cœur de l'âme virile et de sa dérive fasciste, avec de nombreuses illustrations en miroir/contre-point/pied-de-nez (des affiches de propagande aux tableaux de maîtres, en passant par des planches de comics américains) et un ton mêlant le sérieux scientifique à la contestation iconoclaste des thèses freudiennes. En se proposant de percer la psyché (érotique) de l'homme soldat dans les textes d'auteurs de l'entre-deux-guerres, Klaus Theweleit refuse de se satisfaire de l'interprétation psychanalytique traditionnelle et, dépassant la stricte période historique du fascisme européen, l'élargit à une analyse intemporelle de l'âme du soldat.
L'édition française, établie et traduite par Christophe Lucchese, a été raccourcie et sort en un seul volume.
Sommaire :
HOMMES ET FEMMES
Sept mariages
De l’histoire contemporaine et de la nature du matériau traité
Tradition biographique
FLOTS CORPS HISTOIRE
Etats de la matière de l’intérieur du corps
Flux
Formation de la cuirasse contre les femmes
LA MASSE ET SES CONTRE-FORMATIONS
Vérole
L’intérieur : l’inconnu comme «homme primitif»
Aspects de la masse réelle
CORPS MASCULIN ET «TERREUR BLANCHE»
Sexualité et dressage
Corps et combat
Le moi de l’homme soldat
Klaus Theweleit, né le 7 février 1942 à Ebenrode en Prusse-Orientale, a étudié la littérature et la civilisation germanique et anglo-saxonne. Il est historien de la littérature et des sciences de la culture, et écrivain. Avec Fantasmâlgories, son premier livre, il fait une entrée tonitruante sur la scène intellectuelle allemande et internationale des années 1970 et 1980. Theweleit a enseigné à l’Institut de sociologie de l’université de Fribourg en Brisgau et, de 1998 à 2008, a été professeur d’esthétique à l’Académie nationale des Beaux-Arts de Karlsruhe. Son ouvrage s’est imposé comme un classique de la théorie du fascisme.
*
On peut lire sur enattendantnadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Fantasmes d'Allemands", par G.-A. Goldschmidt.
Klaus Theweleit
Christophe Lucchese (Traducteur)
Date de parution : 03/02/2016 Editeur : Arche éditeur (L') ISBN : 978-2-85181-841-6 EAN : 9782851818416 Présentation : Broché Nb. de pages : 576 p.
Quel lien existe-t-il entre le fascisme et le genre ? C'est à partir de cette question que Klaus Theweleit explore la fascination masculine pour la violence et le pouvoir dans son œuvre colossale Männerphantasien (1977, Verlag Roter Stern).
À l'aide de la psychanalyse et partant d'un large corpus littéraire issu des rangs des corps francs allemands de l'entre-deux-guerres, l'auteur a tenté d'analyser la structure mentale de la personnalité fasciste.
Son ouvrage, qui reste encore à découvrir en France, consacré à la question du rapport entre pouvoir et genre, transgresse allègrement les limites des champs disciplinaires. En résulte un ouvrage hybride, mêlant histoire, psychanalyse et gender studies, qui nous plonge au cœur de l'âme virile et de sa dérive fasciste, avec de nombreuses illustrations en miroir/contre-point/pied-de-nez (des affiches de propagande aux tableaux de maîtres, en passant par des planches de comics américains) et un ton mêlant le sérieux scientifique à la contestation iconoclaste des thèses freudiennes. En se proposant de percer la psyché (érotique) de l'homme soldat dans les textes d'auteurs de l'entre-deux-guerres, Klaus Theweleit refuse de se satisfaire de l'interprétation psychanalytique traditionnelle et, dépassant la stricte période historique du fascisme européen, l'élargit à une analyse intemporelle de l'âme du soldat.
L'édition française, établie et traduite par Christophe Lucchese, a été raccourcie et sort en un seul volume.
Sommaire :
HOMMES ET FEMMES
Sept mariages
De l’histoire contemporaine et de la nature du matériau traité
Tradition biographique
FLOTS CORPS HISTOIRE
Etats de la matière de l’intérieur du corps
Flux
Formation de la cuirasse contre les femmes
LA MASSE ET SES CONTRE-FORMATIONS
Vérole
L’intérieur : l’inconnu comme «homme primitif»
Aspects de la masse réelle
CORPS MASCULIN ET «TERREUR BLANCHE»
Sexualité et dressage
Corps et combat
Le moi de l’homme soldat
Klaus Theweleit, né le 7 février 1942 à Ebenrode en Prusse-Orientale, a étudié la littérature et la civilisation germanique et anglo-saxonne. Il est historien de la littérature et des sciences de la culture, et écrivain. Avec Fantasmâlgories, son premier livre, il fait une entrée tonitruante sur la scène intellectuelle allemande et internationale des années 1970 et 1980. Theweleit a enseigné à l’Institut de sociologie de l’université de Fribourg en Brisgau et, de 1998 à 2008, a été professeur d’esthétique à l’Académie nationale des Beaux-Arts de Karlsruhe. Son ouvrage s’est imposé comme un classique de la théorie du fascisme.
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On peut lire sur enattendantnadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Fantasmes d'Allemands", par G.-A. Goldschmidt.
Fantasmes d’Allemands
Dans cet ouvrage capital, Fantasmâlgories, Klaus Theweleit parcourt toutes les pulsions qui fondent les fascismes du XXe siècle, en dehors des enjeux politiques ou économiques. En fait, il parle essentiellement du nazisme, qui se différencie du fascisme ordinaire par son essence et son programme exclusivement exterminateurs. Aussi évidentes ou plausibles que soient les « causes » (elles servent souvent d’excuses), elles ne suffisent pas à rendre compte du nazisme, il subsiste fondamentalement un vide qui engloutit toute explication.
Klaus Theweleit, Fantasmâlgories. Édition établie et traduite de l’allemand par Christophe Lucchese, Éditions de L’Arche, 574 p., 35 €.
Le phénomène fasciste (nazi), comme Klaus Theweleit le montre dans sa préface pour l’édition française, « est le fruit d’une production de réalité liée à une forme particulière de corporéité ».
Cette étude majeure aborde des thèmes perpétuellement ajournés, sinon
refoulés dans l’ensemble des analyses du nazisme, lequel est largement
fondé sur toutes les dérives d’une sexualité frustrée. Cet ouvrage,
aussi monumental qu’il est divers, obéit à une mise en scène presque
cinématographique. Il est illustré par plus d’une centaine de
reproductions qui restituent parfaitement ce que le livre veut
démontrer. On y voit se déployer toutes les « fantasmâlgories » dont il
est question. Regarder les illustrations de ce livre est une manière
complémentaire de le lire.
L’édition allemande est considérablement
plus longue (1174 pages, en deux volumes) que l’édition française qui,
quoique plus brève, est tout aussi fidèle au projet d’ensemble. Le
traducteur, Christophe Lucchese, a conservé toute la « substance vive »
de ce remarquable travail, dont le thème de base est la prise en main du
désir sexuel par le « cuirassage » militaire. La répression du corps
désirant fut constante en Allemagne après le Moyen Âge. Elle se met en
place au XVe siècle au travers de l’Inquisition et elle se
consolide avec la Réforme protestante pour atteindre son « apogée » dans
la seconde moitié du XIXe siècle, avec la parfaite et
cynique mise à découvert de la sexualité par sa répression même. Tout
ramène au regard sur le corps, l’uniforme, par exemple, qui l’accentue
en le dissimulant. Cette dérive de la sexualité prend, sous certaines
conditions sociales, le pouvoir politique : c’est ce qui s’est passé en
Allemagne en 1933.
Les divers exécutants nazis, tels
Rudolf Höss qui fut commandant d’Auschwitz, sont souvent issus de
milieux ruraux autoritaires où les très courtes Seppelhosen
(culottes de cuir) étaient de rigueur. Comme dans toute l’Allemagne de
l’époque, les châtiments corporels étaient de règle avec toute
l’ambiguïté sexuelle, sadomasochiste, qu’ils comportaient. Ils ont été
déterminants dans l’établissement du nazisme. L’édition allemande de Fantasmâlgories débute par une « remarque préliminaire »
qui, en effet, aurait eu moins de « sens » pour le lecteur français,
car les châtiments corporels n’ont pas joué en France le rôle meurtrier
et irréparable qu’ils jouèrent dans l’établissement du régime politique
le plus criminel de l’Histoire. « Les coups qu’il [le père de Theweleit] distribuait
dans les limites habituelles des bonnes intentions affectives furent
les premiers enseignements qui un beau jour m’apparurent comme des
enseignements sur le fascisme », écrit Theweleit dans cette note
préliminaire. L’Allemagne a été élevée par « l’oncle jaune », la
baguette de bambou des corrections.
Le nazisme est comme l’aboutissement du
refoulement et du ressentiment au point extrême de leur dynamique
propre. L’accumulation de frustrations et de blessures narcissiques peut
s’exprimer par une haine d’autant plus vive qu’elle est davantage
cuirassée, sous l’apparence militaire ; elle met à l’abri de la femme,
toujours et seulement mère, infirmière ou putain. La peur de la femme, à
la fois tentatrice et sorcière, est une donnée fondamentale de
l’histoire allemande, la femme (das Weib, au neutre) est
séductrice et fatale. La dernière « sorcière » fut brûlée en Allemagne
en 1775. La femme est l’agresseur et la castratrice, notamment dans les
romans écrits par des auteurs gravitant autour des Corps francs. Tous
ces écrits mettent en scène le dressage comme moyen fondateur de
l’extermination ultime, programmée, de tout ce qui est « féminin », en
particulier les « débiles « et les « Juifs »
La « corporéité « a peut-être été la composante essentielle du nazisme par l’omniprésence du corps à la fois exposé et interdit. »
Si, dans la masse, le codage de la féminité menaçante prédomine ou est
satisfaisant (il n’y a qu’à la faire plier, la remettre à sa place, en
quelques coups de feu) alors le codage des forces nouvelles de son
propre intérieur prédomine dans la race étrangère : il faut donc les
exterminer. La confrontation aryen /juif comprend par conséquent trois
barrières ; celle de la classe, celle du genre et celle
« intérieur/extérieur » dans le corps de l’homme soldat. Le déshonneur
de la race « les abat toutes. »
À lire ce livre, on se rend compte de ce
qu’on savait déjà, il n’y a pas de pensée nazie, il n’y a que de la
fixation anale, comme le montrent de nombreux passage de ce travail. Le
fascisme est largement issu en Allemagne des Corps francs (Freikorps)
des années 1920-23, qui combattirent les spartakistes et les
communistes et voulurent établir un régime de terreur qui, dans un
premier temps, n’échoua que de peu. Les Kadettenschulen (les
prytanées militaires), telles que les décrivent Ernst von Salomon ou
Leopold von Wiese, lieux de destruction et de mobilisation de l’enfance,
ont donné les premiers cadres du NSDAP, le parti nazi, dont l’essence
même est le programme d’extermination. Dès cette époque il est en passe
de mettre en œuvre son programme d’élimination de tout ce qui
représentait l’interdit, les Juifs, les communistes et les homosexuels,
qui sont un véritable abcès de fixation de l’obsession sexuelle
retournée en répression.
La dernière partie du livre, en effet,
dont on n’ose pas dire qu’elle est la plus « en prise » sur son objet
d’écriture et sur l’Allemagne de 1900 à 1945, a pour thème la vieille
tentation homosexuelle allemande, qui est à l’origine de nombreuses
affaires qui occupèrent l’opinion publique longtemps, dès le XIXe siècle, par exemple à la cour de Guillaume II et jusqu’aux années 1986-88 du siècle dernier (affaire Kiessling [1]).
L’homosexualité fut considérée comme criminelle, même entre adultes,
jusqu’en 1970. Elle fut le prétexte de la Nuit des longs couteaux de
1934 qui permit à Hitler de débarrasser le NSDAP de ses éléments les
plus « gauchistes » et de tous les homosexuels.
Plus on s’élevait dans la hiérarchie
sociale, comme le rappelle Theweleit, plus l’homosexualité était
réprouvée et, du même coup, plus repérable, plus signalée et plus
combattue, parce que plus désirée. À cela s’ajoutent une puberté
retardée dans les milieux bourgeois et la prolongation indéfinie de la
condition enfantine. Cette apparence virginale des adolescents de
l’époque a largement marqué le Wandervogel, ce grand mouvement de
jeunesse d’avant 1914, épris de pureté, de jeunesse et «
d’authenticité » qui sera vite absorbé par le NSDAP, le parti de Hitler.
Souvent issus des institutions de cadets et de ces mouvements de
jeunesse, les cadres nazis tentèrent de neutraliser ce qui les fascinait
le plus, les femmes, les homosexuels et les Juifs, incarnations et
témoins de ce spectacle.
-
Du nom de Günter Kiessling (1925-2009), un général quatre étoiles de la Bundeswehr, obligé de démissionner après avoir été, à tort, accusé d’homosexualité.
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